Organicité et fuite cosmique

Dès ses toutes premières expositions à son arrivée à Paris, en 1947, Jean Paul Riopelle fut reconnu comme un peintre exceptionnel, une force de la nature en peinture, en somme, un peintre-né.

Certes, en 1949, à propos de ses toiles exposées au Salon des Surindépendants, Patrick Waldberg, l’un des critiques les plus perceptifs de l’époque, écrivait : “si le public et les professionnels ne souffraient pas d’un essoufflement asthmatique et d’une déperdition sans remède des facultés perceptives et sensibles, nul doute que la peinture de Riopelle n’eut provoqué aujourd’hui les mêmes remous qu’autrefois Le Déjeuner sur l’herbe, les Fauves ou les premiers cubistes. Il y avait chez tous ceux-là comme il y a chez lui cette originalité intense, cette sève débordante que rien ne peut endiguer et qui s’affirme contre vents et marées”.

La figure de style de l’événement méconnu est un classique de la jeune critique, et l’on peut aussi se demander si le “public”, hier comme aujourd’hui, est bien l’instance adéquate de reconnaissance d’un jeune artiste prometteur. Ce qui est certain en revanche, c’est que beaucoup de jeunes peintres et quelques figures majeures du milieu de l’art ne s’y trompèrent absolument pas.

À commencer par André Breton, qui enrôla aussitôt Riopelle dans les rangs surréalistes et le fit participer à l’exposition internationale du surréalisme, en 1947. Riopelle entra ainsi immédiatement dans un groupe d’amis peintres, sculpteurs, mais aussi de critiques, parmi lesquels Simon Hantaï, Patrick Waldberg déjà nommé, Wols, Bryen, Georges Duthuit, Mathieu, Charchoune, mais aussi un peu plus tard Sam Francis, Beckett, Serpan, Vieira da Silva, Hartung, Shirley Jaffe, Marcelle Loubchansky, Zao Wou-Ki, un groupe qui allait s’élargir et s’enrichir au fur et à mesure des galeries fréquentées et des participations aux expositions collectives.

YVES MICHAUD